C’est étonnamment dans le Loiret, à Beaugency, que Maurice Albe verra le jour le 15 janvier 1900. Enfant du début du siècle, il rejoindra très vite le Périgord vers 1905, où son père pris la direction de l’usine de gaz de Sarlat. Enfant du pays, ses parents étant du Quercy, il connaîtra les joies de la campagne du Périgord Noir, jouant entre les vieux châtaigniers sur les collines arides ou la roche affleure.
C’est aussi grâce à son oncle, le chanoine Edmond Albe, que le jeune Maurice verra le sarladais sous son côté patrimonial. Arpentant les collines chargées d’histoire et voyant les paysans travailler la terre, l’éducation culturelle fournie par ce religieux encrera profondément le futur artiste dans son terroir.
Les premières années d’études artistiques auront lieu à Paris après la Première Guerre Mondiale, où il rencontrera les plus célèbres artistes du XXe siècle. De longues journées aux terrasses de Montparnasse le verront côtoyer Picasso, Braque, Juan Gris, Lurçat et surtout André Lhote, auquel son œuvre devra tant.
Ces années de formation se poursuivront notamment à l’Ecole Estienne, saint des saints des métiers du livre. Auparavant il passa par l’école ABC de dessin. Cette revue des arts lui offrira ensuite ses premières publications, puisqu’il signe la couverture d’un numéro de 1925 avec un bois gravé représentant le Périgord. C’est le début d’une très longue carrière d’illustrateur et de créateur, puisqu’il exposera tout au long de sa carrière ses bois gravés, et recevra des commandes de nombreux écrivains ou éditeurs afin d’imager leurs ouvrages. Deux personnes eurent beaucoup d’importance dans sa vie ; l’historien du Périgord, l’abbé Georges Rocal, dont Albe illustrera une dizaine d’ouvrages et suivra les conseils de ce grand connaisseurs des coutumes et campagnes de notre pays, et Eugène Le Roy, le célèbre écrivain périgourdin, notamment auteur de Jacquou le Croquant, que le peintre illustrera à deux reprises dans sa carrière. Admirateur de ce dernier pour ses descriptions du pays et sa vision du monde paysan, Albe prendra même la tête de l’association des Amis d’Eugène Le Roy en 1963 pour de nombreuses années. Un troisième homme a également beaucoup compté dans l’existence du peintre, en la personne de Pierre Fanlac, créateur des éditions du même nom. Ses presses situées à proximité de la Tour de Vésonne à Périgueux ont réalisé de nombreux ouvrages de grande qualité illustrés par Maurice Albe.
Après ses allers-retours entre Paris et le sarladais, Maurice Albe se fixera en Périgord en 1946, où l’on verra son style évoluer drastiquement vers ce qu’il appellera lui-même le « cubisme figuratif ». Cette technique de cloisonnement se retrouver désormais dans toute ses œuvres, gravées comme peintes, qui généralement découlent d’ailleurs l’une de l’autre. Des paysans cagneux au repos devant un bourg aux lourds toits de pierres, un vieux châtaignier encore plein de vie, un marché de campagne d’où s’échappent les cancans, une gardeuse d’oies au regard pénétrant, sont des sujets très populaires et peu adaptés à une mise en scène artistique au premier abord. Pourtant Albe y apportera toutes les harmonies possibles dans son style très particulier, ayant eu la chance de recevoir de nombreuses commandes d’institutions périgourdines, mais aussi des expositions communes régulières avec ses amis peintres parisiens, lui permettant de vendre ses toiles dans le monde entier. Maurice Albe sera aussi professeur de dessin dans plusieurs établissements de Périgueux, scolaires comme de loisir, établissant un lien avec toute une génération, lui transmettant sa passion pour le Périgord et le savoir-faire accumulé tout au long d’une carrière de soixante-quinze ans. Au soir de sa vie il était encore récompensé pour son travail et parti quelques jours avant son quatre-vingt-quinzième anniversaire.
Florent Piednoir